Peur du passé, peur du futur

Le soleil descendait peu à peu dans l’horizon. D’ici à peine une heure, il ferait nuit noir à Hoenn. C’était ce moment de l’année où les nuits étaient les plus sombres. Evelyn, qui avait toujours aimé cette période, était pourtant stressée depuis quelques jours.

-J’arrive à rien, se plaignait la jeune Nox.

Elle donna un coup de pinceau sur la toile déjà tâchée de peinture. L’image devant elle ne ressemblait à rien. Du moins, pas au yeux d’Evelyn. Le fond était bleu foncé, presque noir, avec une grosse tâche ressemblant à une ombre dans l’un des coins inférieurs. Au centre, elle avait essayé de mettre un peu de couleur et maintenant, tout ce qu’elle pouvait voir, c’était la grosse trace rouge sang qu’elle venait d’essuyer le long de la toile.

Evelyn tremblait. Une main se posa sur épaule, la faisant sursauter. Quand elle posa le regard sur sa mère, son cœur battant se calma quelque peu et sa respiration tantôt rapide repris enfin un rythme normal.

-Tu ne te laisses pas la chance de voir le potentiel, mon cœur. Parfois, tu as juste besoin de sortir de ta tête un peu.

Elena retira doucement le pinceau de la main d’Evelyn, trempant son bout dans un liquide jaune. Après quelques coups, sa fille voyait enfin un sens à l’image qu’elle avait commencé. Il avait suffi d’un cadre et d’un peu de lumière pour donner l’impression de regarder au travers une fenêtre au milieu de la nuit. Le rouge, tantôt sang, était devenue une lueur apaisante qui traversait la noirceur.

À quelques pas d’elle, couché sur le divan, un faible Méditikka dormait. Son corps était encore couvert de blessure, mais il semblait beaucoup mieux qu’à peine deux semaines plus tôt, quand son maître l’avait emmené au milieu de la nuit, en sang. Chaque fois qu’elle regardait le petit Pokémon, son cœur s’arrêtait et les souvenirs remontaient. Evelyn était une jeune fille forte de caractères, mais elle mentirait si elle disait que cette vision ne l’avait pas bouleversée. Ses parents avaient tenté de la rassurer et de lui dire que c’était normal. Normal? Est-on sensé s’habituer à ce genre d’atrocité? Elle qui voulait devenir non seulement dresseuse, mais aussi aider dans les situations dangereuses, comment pourrait-elle faire si elle était pétrifiée devant de telles situations. Elle n’avait jamais eu peur du danger. Mais de la mort inhumaine d’un pauvre Pokémon? Elle ne savait pas comment faire face à ça. Si Méditikka n’avait pas survécu, elle ne pensait pas qu’elle s’en serait un jour remis.

Ses pensées s’égaraient à nouveau, mais une simple pression de la main sur son épaule la rappela à l’ordre une fois de plus. Son regard croisa celui doux et rassurant de sa mère. Il y avait quelque chose, dans ses yeux. Une lumière, réalisa Evelyn. Quand elle regarda l’image devant elle, les souvenirs lui semblaient maintenant moins effrayants. L’ombre qui disparaissait et laissait derrière un massacre était remplacée par la douceur d’un foyer chaleureux.

La jeune femme glissa ses bras autour de la taille de sa mère. Un jour, elle devrait aller seule dans ce monde cruel, mais cette idée ne lui faisait plus aussi peur que quelques minutes plus tôt. Maintenant, elle savait que dans la nuit, dans la noirceur, elle aurait toujours une lumière quelque part pour l’éclairer si elle en avait besoin.